Sommes-nous carnivores, omnivores ou herbivores?
08 juin 2008
Charles Danten
http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=911 Un rapport récent de l’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO 2006) est particulièrement éloquent : Si nous continuons à privilégier un régime omnivore à tendance carnivore, nous
finirons avant longtemps par épuiser les ressources d’eau, polluer les rivières, les lacs et les terres, assécher les prairies, détruire les forêts et la biodiversité
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUELes 1.3 milliards de bêtes à cornes qui nous servent de garde-manger produisent une quantité phénoménale de gaz méthane (NH4) un gaz à effet de serre 23 fois plus puissant que le CO2. ¨C’est ainsi que le bovin réchauffe plus que la voiture,¨ explique l’éthicien Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, l’auteur du livre Éthique Animale (PUF, 2008).
LE BIEN ÊTRE ANIMALEt c’est sans mentionner les milliards de poulets, de porcs, de lapins, de canards, d’oies et de poissons qui croupissent dans des élevages hyper polluants dans des conditions proches du sadisme totalement injustifiées même d’un point de vue strictement productiviste. Les poules pondeuses par exemple, sont enfermées à cinq dans un espace de
45 cm par 50 cm, ce qui fait pour chacune un espace équivalent à une feuille de papier. ¨À titre de comparaison, conclue Vilmer, cela reviendrait à enfermer durant toute leur vie cinq humains dans une cabine téléphonique.¨
LE RISQUE DE PANDÉMIEPlusieurs de nos maladies contagieuses sont transmises par les animaux domestiques. La peste porcine par exemple a tué des millions de personnes au siècle dernier. Et présentement, le spectre de la grippe aviaire - une maladie
dérivée de la mondialisation et de néo-libéralisme - plane sur nous.
LES EFFETS DÉLÉTÈRES SUR LA SANTÉMis à part les méfaits sur la santé des antibiotiques et des hormones de croissance couramment employés pour augmenter le taux de rendement de l’élevage, certains cancers du système digestif et les accidents cardiovasculaires sont reliés à un régime alimentaire trop riche en produits d’origine animale. Selon certains chercheurs indépendants de
l’industrie agro-alimentaire, non seulement le lait de vache ne prévient pas l’ostéoporose, mais il la favorise. À ce tableau, il faut aussi ajouter notamment la salmonellose et le E.Coli deux maladies fréquentes associée à une denrée hautement périssable.
LA FAMINEEnfin, selon J.-B. J. Vilmer, ¨les excès de l’élevage industriel contribuerait à l’iniquité de la distribution de nourriture, creusant ainsi un gouffre entre malnutrition d’un côté et suralimentation de l’autre […] La quantité de céréales nécessaires pour nourrir le bétail qui nourrira un seul homme permettrait en effet de nourrir directement 20
personnes.¨
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Or, compte tenu de ce sombre bilan, peut-on vivre sans manger les animaux et leurs sous-produits? Sommes-nous carnivores, omnivores ou herbivores? C’est pour répondre à cette question vitale que j’ai rencontré le médecin, physiologiste et nutritionniste Américain, Milton Mills.Ne pouvons-nous pas - et c'est ce qui expliquerait notre grand succès comme espèce - manger tout ce que nous voulons? Ne sommes-nous pas foncièrement des omnivores?Non! Nous sommes des herbivores. Notre corps est admirablement bien équipé pour se procurer et traiter la matière végétale. Nous avons évolué pendant des millions d’années dans le berceau africain. C’est à cet endroit, dans des
conditions climatiques et écologiques équatoriales que se sont forgées nos caractéristiques morphologiques et physiologiques actuelles. Or, selon les données issues de l'étude des fossiles, notre ancêtre était un herbivore. Il se nourrissait de fruits, de baies, de racines et de graines. Il avait une niche écologique très spécialisée qui lui a
permis de survivre et de prospérer. Il n’était pas en compétition avec les prédateurs comme le loup et le lion. et heureusement d’ailleurs, car il ne faisait pas le poids. Entre autres, sa vitesse de déplacement était insuffisante, son odorat était relativement faible, son ouïe était médiocre. De plus, la marche est notre mode de locomotion le plus
naturel, et cette activité est particulièrement bien adaptée à la cueillette.
Oui, mais nous avions des outils et des armes, c’était un avantage décisif!En effet, mais pas aussi important qu’on pourrait le croire. Les premiers outils sont apparus il y a environ un million d’année. Pendant des centaines de milliers d’années, ces outils étaient très rudimentaires et peu efficaces. Essayez de chasser un bison, un auroch - l’ancêtre du boeuf - ou même une gazelle avec des pierres taillées grossièrement!
Plus tard, avec l’invention de la lance et de l’arc, il y a à peine 100 000 ans, les techniques de chasse s’améliorent quelque peu. Cependant cette activité est pleine d’imprévus et la réussite est loin d’être assuré. En étudiant les quelques tribus qui vivent encore plus ou moins comme nos ancêtres, nous avons appris qu’il est très difficile, avec
des armes rudimentaires de capturer ou de tuer une proie. Ils réussissent environ une fois sur vingt après maints efforts. Il serait tout à fait absurde dans ces conditions d’essayer d'assurer la survie
de ses enfants sur ce genre d’activité. Chez les cueilleurs-chasseurs modernes, la base de l’alimentation est végétale, complétée à l’occasion par des insectes, quelques œufs et, rarement, avec un animal de taille petite ou moyenne. L’activité principale est la cueillette et non la chasse.
L’image de l’homme des cavernes, chasseur redoutable et sanguinaire, cruel et carnivore, toutes dents et toutes griffes dehors, est donc un mythe?Oui, tout à fait! Vous savez, la paléoanthropologie est née en Angleterre, au 19e siècle, en pleine révolution industrielle. À cette époque, et ça n’a guère changé, la viande était associée à la force, à la virilité, à la longévité et au statut social. Par ignorance des principes nutritionnels, on la considérait comme l’aliment idéal pour notre espèce. C’est avec ces notions erronées que les premiers anthropologues ont interprété notre histoire. De là est né le mythe de l’homme des
cavernes. C’est devenu un des éléments pivot du machisme et de la fierté masculine. L’idée du grand chasseur, maître de la nature et pourvoyeur de ces dames, a fait couler beaucoup d’encre depuis. Or, cette notion ¨romantique¨ est peu plausible et difficile à concilier avec la réalité. Plusieurs anthropologues contemporains remettent en question cette interprétation.
Sur quels critères vous appuyez-vous pour déterminer le type d'alimentation le plus naturel pour notre espèce?Il y a un minimum de trois facteurs à prendre en compte : les considérations anthropologiques - que nous venons de discuter - puis l’adaptation biologique et, enfin, les conséquences physiologiques ou, si vous voulez, les bénéfices d’un régime alimentaire particulier. Examinons maintenant les caractéristiques biologiques. On peut classifier les
mammifères, selon leur type d’alimentation, en carnivores, en omnivores ou en herbivores. Comme chaque classe a des caractéristiques anatomiques et physiologiques bien spécifiques, il est facile, par une étude comparative, de situer notre espèce.
Les carnivores et les omnivores sont équipés pour poursuivre, capturer, tuer, manger et digérer rapidement leur proie. Leurs griffes sont longues, robustes et acérées pour les aider à la saisir et l’immobiliser. Ils ont une gueule très grande par rapport à la taille du crâne. Cela leur donne un avantage certain pour saisir, tuer et déchiqueter une prise. Leurs
dents sont pointues et très acérées car elles servent surtout à déchiqueter la viande. L’articulation de la mâchoire ne permet que les mouvements verticaux. En général, ces animaux avalent tout rond, sans mastication, la plus grande quantité possible de nourriture. Par conséquent, leur estomac est relativement volumineux- 60 à 70% du volume total de l’appareil digestif- pour recueillir une grande quantité de nourriture d‘un seul coup. La très grande acidité de
l’estomac favorise la digestion rapide des aliments et protège ces animaux contre une contamination bactérienne très élevée. Les intestins sont courts – 3 à 5 fois la longueur du corps mesuré de la bouche à l’anus, car les produits de la digestion sont absorbés rapidement.
Par comparaison, les herbivores n’ont pas de griffes acérées. Comme nous, en général, ils ont une gueule de petite taille proportionnellement àla tête. Ils ont des lèvres charnues et très musclées spécialisées dans la préhension fine de petites quantités d’aliments. La structure des dents, de la mâchoire et de la langue est hautement spécialisée. La
surface des dents est plate, ce qui favorise la mastication. La mâchoire est très mobile, permettant les mouvements dans tous les sens. La nourriture est mastiquée, broyée, mélangée longuement avant d’être avalé en petite quantité. Notre salive, contrairement aux carnivores, et aux omnivores comme l’ours et le raton laveur, contient une enzyme
qui amorce et facilite la digestion. Nos secrétions gastriques sont beaucoup moins acides que chez les carnivores. L’intestin, où la plupart des aliments sont absorbés, est beaucoup plus long – 10 à 12 fois la longueur du corps – ce qui favorise la digestion. Enfin, le colon ou le gros intestin, la partie la plus postérieur du système digestif, est en général beaucoup plus complexe que chez les carnivores et les omnivores. Notre anatomie, à nous êtres humains, cadre très bien avec cette description.
Quand on pense à un herbivore, on pense à la vache, au mouton ou au cheval. Or, ces animaux ont un système digestif très complexe, souvent composé d'un estomac à plusieurs compartiments. Ces animaux peuvent manger et
digérer le foin, ce qui n'est pas notre cas?Selon ma définition, tout animal qui mange une nourriture dérivée des plantes est un herbivore. Cela dit, il y en a plusieurs types, équipés de façon variable pour digérer différentes sortes de matières végétales. Ceux qui mangent du foin, une matière très fibreuse, riche en cellulose, difficile à digérer, ont un système digestif très complexe. Ils sont
capables, par un processus de fermentation bactérienne, de dégrader et de transformer des aliments très indigestes. Notre espèce est plutôt adaptée pour traiter une matière végétale beaucoup plus digeste comme les fruits, les légumes tendres, les racines et les noix. Par conséquent, notre système digestif est plus simple. Il n'en demeure pas moins que nous sommes des herbivores.
Et la fameuse vitamine B12?La manière dont nous métabolisons cette vitamine confirme notre nature d’herbivore. Nous sommes fait pour manger des aliments qui en contiennent en général une infime quantité. Cependant, nous sommes merveilleusement bien équipés pour l'absorber, la transformer et la préserver. Ce n’est pas le cas des carnivores et des omnivores qui en
trouvent facilement de très grandes quantités dans la viande.